L'usage de l’irradiation se développe à travers le monde (et très vraisemblablement le commerce international de produits irradiés).

On assiste à une véritable explosion du nombre des installations d’irradiation dans les pays à fort développement.

La Chine est passée de 7 unités d’irradiation en 2003 à 50 en 2006, l’Inde a programmé 25 nouvelles installations d’ici 2012, et le Mexique prévoit de construire la plus grande unité d’irradiation du monde. 

La mondialisation des échanges, et de surcroît des produits agricoles, va aujourd’hui de pair avec cette technologie. 

Une soixantaine de pays dans le monde autorise l’irradiation des aliments et plus de trente pays la pratiquent, dont certains pour une vaste palette de produits : en Afrique du Sud, au Brésil et au Ghana, pratiquement tous les aliments peuvent être irradiés; en Chine, en Croatie, en Russie, en Turquie, en Ukraine, aux Etats-Unis, une grande variété d’aliments, dont certaines viandes, peut être irradiée; à Cuba, en Inde, au Mexique, de nombreuses viandes peuvent être irradiées (2).

Mais nul ne sait quels volumes de produits irradiés entrent dans l’Union européenne.

Nous avons lu avec attention le dernier document de l’AFSSA (3) qui conclut : « l’examen de la littérature scientifique récente n’apporte pas d’éléments nouveaux qui permettraient, sous l’angle toxicologique notamment, de remettre en question les conclusions des évaluations conduites jusqu’à présent concluant à la sécurité des aliments traités par ionisation ».

Cependant, nous avons dû constater un manque de rigueur, étonnant pour une agence de sécurité sanitaire, dans le choix et l’analyse des sources bibliographiques.

Nous avons procédé à une lecture critique de cette revue. 

On ne peut conclure que la sécurité des aliments traités par ionisation est assurée. 

En effet, les risques pour la santé (pertes de vitamines, risques de cancérogenèse et de mutagénèse liés à la production de substances néoformées dans les aliments irradiés) n’ont pas encore été sérieusement étudiés, les rares recherches sur ce sujet n’étant pas prises en compte ou discréditées.

Selon la revue médicale indépendante Prescrire, qui fait pourtant état des avis positifs des commissions scientifiques et des organisations internationales, « ''des inconnues subsistent sur les effets à long terme d’une consommation à grande échelle d’aliments irradiés'' » (4).

C’est pourquoi nous sommes particulièrement inquiets du peu de contrôles réalisés en France au stade de la commercialisation : 0 en 2003, 60 en 2004, 86 en 2005, 105 en 2006 (5), tandis que l’Allemagne par exemple procède à environ 4000 contrôles chaque année. Bien que ces échantillons ne soient pas représentatifs, il est alertant de constater une hausse constante de produits commercialisés illégalement (irradiés, mais non autorisés, ou non étiquetés) dans notre pays, jusqu’à 7% en 2005 et 10% en 2006.

Il faut aussi prendre en compte que les contrôles effectués par les Etats membres sont très insuffisants.

Les pays disposant d’installations d’irradiation ne communiquent pas tous leurs données sur les doses d’irradiation (Pays-Bas) ou avec des valeurs qui ne correspondent pas à la réglementation (Belgique), voire ne communiquent aucune information sur les volumes et catégories de produits traités (Espagne, Italie).

Les contrôles au stade de la commercialisation sont incohérents, disparates, variant d’une année à l’autre et d’un pays à l’autre, et sans règles communes. Il n’en demeure pas moins que le taux de fraudes constatées augmente constamment de façon générale : de 1,4% en 2001 à 4% en 2005 des échantillons testés en moyenne - pour l’ensemble des 16 pays ayant transmis plus ou moins d’informations.

Du fait de la porosité des frontières, on ne peut que s’inquiéter de cet état de fait.

A ces risques pour la santé s’ajoutent les conséquences socio-économiques et environnementales de la prolifération de cette technologie : pour l’emploi et l’économie locale par la délocalisation des productions; les risques liés au fonctionnement d’installations et au transport de matières nucléaires, et aux modes de production et de distribution industriels de masse (pollutions, changement climatique, atteinte aux milieux naturels et à la biodiversité). 

Semaine internationale contre l’irradiation des aliments : conférence de presse à Paris le 21 novembre 2007

Lors de sa conférence de presse à Paris le 21 novembre 2007, à l’occasion de la Semaine internationale contre l’irradiation des aliments, le Collectif français contre l’irradiation des aliments a lancé sa nouvelle campagne et présenté l’évolution de la situation en France et dans le monde, avec l’appui de scientifiques mobilisés sur ces questions.

Selon Paul Lannoye, docteur ès sciences et député européen honoraire, « La réglementation européenne - restrictive malgré les recommandations du Codex Alimentarius, référence pour l’OMC (6) - est aujourd’hui inefficace, grâce à l’impunité de certains Etats membres qui ne respectent pas leurs engagements, tolérée par la Commission européenne. La mobilisation de la société civile est essentielle pour faire pression sur les institutions et les gouvernements. » 

Roland Desbordes, physicien et président de la CRIIRAD (7) a rappelé l’accord scandaleux liant l’OMS (8) à l’AIEA (9), accord qui la prive de son indépendance sur les effets sanitaires des usages civils de l’énergie nucléaire. Concernant l’irradiation des aliments, il a déclaré : « Aucune méthode de contrôle ne répond simplement à la question « Ce produit est-il ou non irradié ? » ni ne permet d’obtenir des informations essentielles (date et dosage de l’irradiation). Les institutions autorisent une pratique sans avoir les outils de contrôle adéquats pour en maîtriser l’usage. » 

Pour François Dufour, paysan et ancien porte-parole de la Confédération paysanne, « Les enjeux de l’irradiation des aliments sont au moins équivalents à ceux des OGM car ces technologies servent avant tout les intérêts des multinationales de l’agroalimentaire qui ont la mainmise sur la production et la distribution des produits agricoles. Il est absolument essentiel de revoir les modes de production et les politiques agricoles au vu des conséquences sanitaires et environnementales, mais aussi pour le maintien d’une agriculture paysanne et pour garantir la souveraineté alimentaire des peuples. » 

Christian Rémésy, nutritionniste et directeur de recherche au CRNH/INRA (10) de Clermont-Ferrand, a déclaré : « Nous avons besoin de modes alimentaires répondant à nos besoins nutritionnels, en considérant en priorité la qualité nutritionnelle des produits et les régimes alimentaires, et en évitant les « calories vides ». Il faut donner de nouvelles règles à l’industrie agro-alimentaire pour améliorer la densité nutritionnelle des produits. D'autre part, il faudrait en priorité organiser la production et la distribution alimentaires à l’échelon régional. » 

Pour Wenonah Hauter, directrice de Food and Water Watch (ONG nord-américaine issue de Public Citizen et mobilisée depuis plus de 30 ans dans la lutte contre l’irradiation des aliments) « L’agriculture industrielle privilégie la production et les profits au détriment de la réglementation et de la protection sanitaire. En augmentant la durée de vie des aliments, l’irradiation des aliments encourage les producteurs à produire dans des pays où la main d’oeuvre est moins chère et la réglementation sanitaire moins rigoureuse. Plutôt que de traiter l’alimentation avec une technologie discutable, les entreprises et les gouvernements devraient s’assurer que l’alimentation est saine du début à la fin du processus de production.» 

Véronique Gallais, présidente d’Action Consommation, a présenté la lecture critique par le Collectif contre l’irradiation des aliments du dernier rapport de l’AFSSA (11) sur l’irradiation des aliments. Elle a déclaré : « Cette revue bibliographique, dont les sources sont sélectives, adopte une approche hygiéniste du risque sanitaire, comme tous les rapports officiels internationaux, européens et nationaux. Elle ne tient pas compte - ou très insuffisamment - des risques pour la santé humaine liés à la consommation d’aliments inertes, ayant perdu des vitamines et susceptibles d’être à l’origine ou de contribuer à l’émergence de cancers ou de mutations génétiques. Au lieu d’analyser les causes de l’augmentation des pathogènes - y compris dans les pays occidentaux malgré des politiques de plus en plus hygiénistes - on formule des normes calibrées sur les besoins de production et de commercialisation industrielles et on joue la course en avant technologique (irradiation, nanotechnologies, bioinformatique, ...). Cela se fait au détriment de la santé des consommateurs, de l’environnement et des productions de proximité. »

Les associations membres du Collectif français contre l’irradiation des aliments demandent : 

Compte-tenu de l’inefficacité avérée de la réglementation européenne, de l’absence de maîtrise des quantités effectivement commercialisées dans les Etats membres (notamment en France, où les contrôles sont presque inexistants) alors que le nombre d’installations d’irradiation dans le monde s’accroît, du manque de certitudes sur l’innocuité des aliments irradiés et des risques socio-économiques et environnementaux liés à un usage important de cette technologie, les associations membres du Collectif français contre l’irradiation des aliments demandent au gouvernement français :

  • Des contrôles significatifs par la DGCCRF (12) à l’importation et à la commercialisation, et l’application de sanctions sévères aux industriels en cas de fraude ;
  • La modification de la liste des aliments autorisés en France, de telle façon que celle-ci se conforme à la liste de l’Union européenne;
  • L’attribution de fonds pour une recherche, indépendante et transparente, sur les effets pour la santé de la consommation d’aliments irradiés. 

Aux parlementaires français, elles demandent :

  • La mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur les fraudes. 

A la DGCCRF :

  • Elles adressent une série de questions qui ne trouvent pas de réponse dans les textes et rapports officiels.

Avec d’autres associations de l’Union européenne, elles interpellent la Commission européenne et demandent :

  • Des contrôles significatifs par les différents pays de l’Union Européenne, que des règles et obligations de contrôle et déclaration soient établies, et que des sanctions soient prises à l’égard des pays ne respectant pas leurs obligations communautaires ;
  • La mise en place d’enquêtes sur les fraudes ;
  • L’harmonisation de la liste des aliments autorisés au sein de l’Union européenne, par la suppression des dérogations actuelles et l’application de la liste positive actuelle (herbes aromatiques séchées, épices et condiments végétaux) à tous les Etats membres ;
  • L’attribution de fonds pour une recherche indépendante et transparente, sur les effets à long terme pour la santé de la consommation d’aliments irradiés. 

Les citoyens et consommateurs peuvent aussi se mobiliser en restant vigilants lors de leurs achats et en posant des questions aux commerçants, aux producteurs, aux restaurateurs.

Ils peuvent aussi soutenir l’action des associations en participant à la cyberaction menée avec Cyber@cteurs à l’attention du gouvernement et écrire au Député de leur circonscription.

 

L’action de tous et de chacun-e est essentielle !


Notes : 

(1) Les membres du Collectif Français contre l’Irradiation des Aliments : Action Consommation - Adéquations - Agir Pour l’Environnement - Les Amis de la Terre - Association Léo Lagrange pour la Défense des Consommateurs - Association pour l’Information sur la Dénaturation des Aliments et de la Santé (AIDAS) - ATTAC - Biocoop - Collectifs Bure-Stop - Confédération Paysanne - CRiiRAD - Ecoforum - Ekwo - Fédération Nature et Progrès - Food and Water Watch Europe - Mouvement pour les Droits et le Respect des Générations Futures (MDRGF) - RECit (Réseau des écoles de citoyens) - Réseau Sortir du Nucléaire

(2) « Irradier nos aliments ? non merci », Maria Denil - Paul Lannoye, mars 2005 (réédition par FUGEA asbl, GRAPPE asbl, Public Citizen, Réseau Sortir du Nucléaire)

(3) « Revue des données récentes relatives à l’ionisation des denrées destinées à l’alimentation humaine »

(4) « L’irradiation des aliments. Deuxième partie : L’évaluation des bénéfices et des risques de l’irradiation des aliments. » ; La Revue Prescrire Juillet-Août 2006, Tome 26, N°274.

(5) Selon les rapports annuels de la Commission sur le traitement des denrées alimentaires par ionisation et le document « Contrôle des denrées alimentaires susceptibles d’être décontaminées par traitement ionisant », DGCCRF, 28.03.2007

(6) Organisation mondiale du commerce

(7) Centre de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité

(8) Organisation mondiale de la santé

(9) Agence internationale de l’énergie atomique

(10) Centre de recherche en nutrition humaine / Institut national de la recherche agronomique

(11) Agence française de sécurité sanitaire des aliments

(12) Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes 

 

lundi 3 décembre 2007 Par Denis Lebioda

http://www.contaminations-chimiques.info/?2007/12/03/193-collectif-francais-contre-l-irradiation-des-aliments-irradiation-des-aliments-une-situation-scandaleuse