Des grands-parents en quelques clics? Pourquoi pas. Depuis quelques mois, Ghislaine et Patrick sont les heureux grands-parents de cœur de quatre enfants, rencontrés via Internet.
Après avoir essayé plusieurs solutions de parrainage, ce couple de cinquantenaires actifs a entendu parler du site «Super grands-parents» qui met en relation des familles et des seniors. Si Patrick a deux enfants et une petite-fille issus d'un premier mariage, Ghislaine en revanche n'a pas d'enfants. Fondé en 2007 par Christelle Levasseur, une mère de famille qui a rompu avec ses parents, le site, qu'elle définit comme le «Meetic de l'intergénérationnel» affiche 12.000 inscrits et 1000 rencontres à son actif.
Les motivations pour chercher des grands-parents de cœur à ses enfants? Elles sont multiples, mais il s'agit souvent de trentenaires ou de quadragénaires en rupture avec leurs propres parents et soucieux de trouver des référents seniors à leur progéniture.
Plusieurs associations œuvrent déjà depuis longtemps sur le parrainage et l'accompagnement d'enfants par des personnes âgées voire plus jeunes, comme Parrain par mille, qui existe depuis vingt ans ou encore Grands-Parrains. Si l'association Parrain par mille s'adresse plus particulièrement à des enfants défavorisés, souvent issus de familles monoparentales, cette recherche de liens avec des personnes âgées touche maintenant des milieux plus aisés. Signe que le lien familial de sang se délite parfois pour laisser parfois place à une famille élective.
De nombreuses formalités
Ce couple de sexagénaires de la région parisienne, brouillé avec leur belle-fille, est rentré en relation avec l'association Grands-Parrains. Une démarche qui a nécessité de nombreuses formalités. «Outre la lettre de motivation, nous avons dû fournir chacun un casier judiciaire, un certificat de santé prouvant que nous étions aptes tant physiquement que psychiquement à nous occuper de jeunes enfants et enfin une assurance qui nous couvrait pour la garde d'enfants…», se souvient Annick, qui est devenue depuis bientôt trois ans la grand-marraine de deux petites filles. Un suivi est également assuré par l'association dans les mois, puis de manière plus espacée dans les années qui suivent le parrainage. L'association Parrain par mille, présidée par Catherine Enjolet, fait intervenir des psychologues dans la démarche pour accompagner à la fois les enfants et leurs parrains. Surtout, le mode de recherche évolue. Au départ basé sur des liens de voisinage, il a été ensuite mené par des associations, du fait de l'indifférence dans laquelle vivent jeunes et vieux dans leur propre quartier, avant de s'étendre aujourd'hui à Internet.
Et les enfants? «Il est essentiel pour l'enfant de bien comprendre pourquoi il a des grands-parents de cœur qui ne doivent en aucun cas être une substitution de ses grands-parents biologiques, explique le psychiatre Boris Cyrulnik. Il est clair qu'un tel lien affectif est toujours bénéfique, mais il génère des questions sur la rupture avec ses grands-parents de sang.» Reste également pour tous à se protéger contre d'éventuelles dérives liées à ces nouvelles relations. Mais aussi à des déceptions liées à d'éventuelles séparations.
La semaine prochaine, Catherine Enjolet, présidente de Parrain par mille, accompagnée de Boris Cyrulnik et de la Défenseure des enfants, Dominique Versini, tient un colloque au collège des Bernardins sur l'adoption affective. Dominique Versini, qui soutient le parrainage, s'inquiète néanmoins d'une utilisation d'Internet pour ces mises en relation. «Il y a dans Internet le meilleur comme le pire, souligne Dominique Versini. Quand des enfants sont en jeu, je déconseille ce mode de mise en relations et recommande une association»…