Un document militant réalisé par Christophe Kergosien et Pierrick Morin
"A l'arrache production"
Durée : 1 h 10
Accès gratuit sur l'Agora de Bretagne
http://www.lagoradebretagne.fr/
La connaissance et la conviction - Dès que le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes fut ressorti de la poussière des armoires où il dormait, au début des années 2000, beaucoup d’habitants de la zone concernée manifestèrent leur incompréhension. L’ACIPA(1) fut créée et l’ADECA(2) fut réactivée. Dans cette dernière, beaucoup d’agricultrices et d’agriculteurs reprenaient le flambeau de leurs parents qui avaient lutté contre ce même projet trente ans plus tôt. Ces associations furent bientôt rejointes par de nombreuses organisations : associations, partis politiques et syndicats. On compte aujourd’hui 45 organisations, regroupées dans la Coordination des opposants au projet.
Leurs militants ont travaillé à la connaissance du projet et du domaine des transports sous un grand nombre d’aspects : besoins pour les déplacements à moyennes et longues distances, coordination des différents modes de transport, environnement, aménagement du territoire, conséquences économiques et sociales, géologie des lieux, problématique de l’énergie, bases juridiques du projet… D’importantes recherches ont été faites et se poursuivent, diffusées largement sur internet et lors de nombreuses réunions d’information dans les régions Pays de la Loire et Bretagne. Des solutions alternatives ont été proposées. Cela a donné lieu à un partage fructueux des savoirs et des savoir-faire. Avec ou sans diplôme, chacun a pu bénéficier des expériences et des connaissances des autres. Sans vraiment que ses acteurs le veuillent, la contestation du projet d’aéroport est devenue une véritable université populaire, et si elle n’avait été que cela, elle aurait déjà pu être un objet de fierté pour ceux qui ont participé à cette grande aventure humaine.
La doxa et les approximations - Du côté des partisans du projet, il y a la croûte supérieure du milieu patronal. La grande majorité des petites entreprises, qui forment le maillage essentiel de l’économie régionale, reste sceptique ou totalement indifférente. Il y a surtout des politiciens qui ont oublié qu’ils ne sont pas propriétaires du pouvoir mais qu’ils en sont seulement les dépositaires. Derrière leurs leaders, suivent les élus de base qui sont appelés à l’obéissance. Ils pratiquent volontiers le prosélytisme avec une argumentation sommaire qui relève le plus souvent d’une doxa de comptoir d’estaminet. On y trouve aussi quelques doctrinaires nostalgiques d’un productivisme obsolète dont on sait hélas sur quelles catastrophes humaines et écologiques il a débouché.
A aucun moment, ils n’ont pu apporter de preuves pertinentes de la nécessité d’investir dans la construction d’un nouvel équipement. Nantes-Atlantique, l’actuel aéroport de Nantes a reçu en septembre 2011 le trophée ERA Award de meilleur aéroport européen Il est classé en catégorie A par la Direction générale de l’aviation civile, c’est à dire parmi les aéroports qui ne posent aucun problème particulier, comme le confirment de nombreux professionnels du transport aérien. L’augmentation de la capacité des avions et les objectifs de rentabilité des compagnies aériennes aboutissent à un très faible accroissement du nombre de mouvements (atterrissages et décollages) Seuls l’aérogare et les parkings sont concernés par la croissance du nombre de passagers, ils peuvent parfaitement être agrandis si nécessaire. La prochaine saturation de l’équipement existant, souvent invoquée, est donc un prétexte fallacieux qui ne résiste à aucune analyse sérieusement argumentée.
Une concertation “ pour la forme ” - La prétendue concertation dont parlent les partisans du projet constitue une véritable imposture. En 2003, s’est déroulé le débat public ; en 2006, l’enquête publique généraliste et en 2012, l’enquête sur la compatibilité du projet avec la loi sur l’eau. En 2003, la Commission du débat public a décidé de s ‘en tenir au thème de la saturation de Nantes Atlantique, négligeant la présence de 15 autres aéroports dans l’Ouest, alors que le cabinet Cosynergie concluait à la non-saturation physique des structures existantes. En ce qui concerne l’enquête publique de 2006, nous savons depuis l’expertise économique indépendante réalisée en 2011 par le cabinet CE Delft à la demande du CéDpa (3) que les documents de l’enquête étaient plus que tendancieux et que le projet n’est en fait pas rentable. Avec l’enquête en relation avec la loi sur l’eau, on a atteint des sommets dans le cynisme. L’Etat a proposé un processus qui aboutirait à détourner la loi, tandis que les opposants ont déposé des contributions d’une richesse et d’une pertinence exceptionnelle montrant de multiples incompatibilités avec de nombreux articles de cette loi sur l’eau. Quelques contributions favorables au projet furent déposées, la plupart d’entre elles n’étaient en fait que la copie d’une lettre circulaire issue d’une organisation patronale et n’ayant strictement aucun rapport avec l’objet de cette enquête publique. Malgré cela les commissaires enquêteurs ont accordé un nouveau quitus au projet, l’accompagnant néanmoins de deux réserves importantes. Comment dans de telles conditions accorder du crédit à ces consultations ? Ceux qui les ont organisées ont certes respecté la lettre de la loi mais ils en ont aussi bafoué l’esprit en permanence. Peut-être auraient-ils dû méditer sur ce court extrait de l’Esprit des lois de Montesquieu“Une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi mais elle doit être loi parce ce qu’elle est juste ”
Le mensonge et la violence institutionnalisés - Les opposants dans leur diversité ont multiplié les formes de contestation mais sont toujours restés intransigeants sur le fait que la lutte contre ce projet doit être non-violente. Du côté du pouvoir, le harcèlement qu’il a utilisé jusqu’à maintenant est devenu depuis un mois et demi d’une rare brutalité et toutes les ruses de la répression ont été mises en œuvre :
- Le mensonge quand on a traité de terroristes ceux qui ont décidé depuis trois ans de vivre dans des maisons inoccupées de la ZAD de l’aéroport, défrichant la terre, cultivant leurs jardins, fabriquant eux-mêmes leur pain avec le but de vivre autrement, sans rien demander à personne, à l’écart d’un système économique qui produit de plus en plus de richesse et précipite de plus en plus d’entre nous dans la précarité et la misère.
- La manipulation en infiltrant des éléments provocateurs pour pousser à l’affrontement avec les forces de l’ordre ou à l’agressivité envers les journalistes.
- Les tentatives de créer des divisions entre les opposants.
- Les rappels à la loi avec une extrême rigueur judiciaire pour les uns et une bizarre mansuétude pour les autres.
Nous ne sommes pas dupes des dernières manœuvres des porteurs du projet : la création d’une commission du dialogue - exercice de communication - pour tenter de redorer une réputation fortement ternie par la violence des interventions des semaines passées et limiter une indignation qui s’étend maintenant à la France entière.
Le pari de la non-violence et de la démocratie - Notre détermination reste aussi intacte que notre volonté de lutter pacifiquement contre ce projet ruineux pour les finances locales, destructeur de l’environnement et de la vie des gens qui habitent sur ce territoire et y travaillent. Ceux qui nous gouvernent ont choisi la violence, nous choisissons la démocratie, sûrs que la pertinence de notre argumentation aura raison de leurs mensonges et de leurs manipulations. Ce qui est en jeu maintenant dans cet affrontement entre pouvoir et citoyens, c’est moins la prétendue obsolescence d’un équipement qui remplit fort bien l’usage qu’on en attend et qui pourra le faire pendant encore très longtemps, que les dérives autoritaires et brutales de ce pouvoir qui peuvent nous mener au pire.
A Notre Dame des Landes, une révolution citoyenne et pacifique est en marche, les hommes en place à la tête de l’Etat iront-t-ils jusqu’à risquer de se déconsidérer complètement en tentant de l’arrêter par toujours plus de violence ?
Vu sur :
Zone A Défendre
Un nouveau jeu Contrevents pour soutenir la lutte à Notre-Dame des Landes.
Aidez-nous à le financer !
À Notre-Dame des Landes le système veut imposer son projet d'aéroport aussi inutile et destructeur que coûteux. Au quotidien les ZADistes occupent et résistent
aux forces de l'ordre et aux bulldozers, avec l'aide d'habitants et paysans des environs et de tout le pays.
Un jeu est né de cette lutte. Pour la faire connaître, créer un jeu de qualité sur un thème engagé, financer les procès et les occupations des terres menacées, et encourager au passage l'émergence des nouvelles ZAD contre d'autres projets inutiles et néfastes.
"Zone à Défendre" est un jeu de société coopératif et semi-coopératif qui se joue de 1 à 5 joueurs, à partir de 10 ans.
Une partie dure entre 60 et 90 minutes.
Vu sur : http://www.desobeir.net/
!!! Pour aller plus loin … !!!
Par Daniel CUEFF
Il existait un petit livre intitulé « De l'autonomie énergétique de sa maison à l’autotomie de la pensée ». Ce titre à lui seul révèle une certaine approche de l'écologie : ce qui fait société, ce sont les sommes des initiatives individuelles. Il s’agit de convaincre les citoyens de modifier leurs comportements et ainsi, peu à peu, de transformer la société.
L'économiste américain Jeremy Rifkin inscrit sa Troisième révolution industrielle dans cette perspective fondamentalement empathique. Selon lui, la société est un réseau d'individus liés par des flux d'information et bientôt par des flux d'énergies produites localement. Tout le contraire d'une société pyramidale où tout se décide « au dessus ». Invité de Viva Cité à Rennes, Jeremy Rifkin s’est donc prononcé en toute cohérence contre le projet aéroportuaire de Notre-Dame-des-Landes, projet centralisateur produit par la DATAR, qui imaginait dans les années 60 une infrastructure dédiée au Concorde, sur un site jugé stratégique, à la fois isolé et accessible. Ce fut Notre-Dame-des-Landes.
Ce choix peut-il être contesté dans sa dimension démocratique ? Avant Mai 68 cela paraissait peu probable. Mais dès les années 70, les contestations grondent depuis les « provinces » et s’amplifient avec l’émergence du mouvement écologiste et d’un syndicalisme paysan de gauche : le Larzac, Plogoff dont les habitants viennent de créer un comité de soutien à la lutte contre le projet de NDL.
Or, le conflit n’existe pas dans la société voulue par Rifkin, tout se joue dans la compréhension mutuelle entre les êtres humains, aucunement dans les rapports de forces entre des intérêts divergents, eux-mêmes liés aux positions sociales dominantes dans la société. Sa pensée peut apparaître conservatrice aux yeux des européens dont l’horizon politique et social s’est construit au fil des luttes. Elle rejoint la pensée d’un Carl Rogers, théoricien américain de la non-directivité et dont les travaux ont été promus en Europe à partir de l'université de Rennes 2 : s'il y a conflit entre les patrons et les ouvriers, c'est parce que les uns et les autres ne se comprennent pas. Il suffit de rapprocher les individus dans leurs relations interpersonnelles pour voir s'évanouir les conflits. Le concept de démocratie participative n’est pas étranger à cette vision.
Il est à se demander d’ailleurs si la position du Président de la République concernant Notre-Dame-des-Landes (épuisement des recours, commission de conciliation) ne relève pas d’une telle approche. Il n’en est évidemment rien quand le gouvernement use de la force publique et que d'emblée il est signifié que le projet se fera puisqu'il a été décidé selon les modalités de la démocratie représentative. Or, c'est bien là que le bât blesse. La démocratie représentative est aujourd’hui questionnée de manière répétée sur un point fondamental et récurent : les modalités de l’expertise qui aboutissent à la définition supposée du bien commun.
L'expertise qui a conduit à la prise de décision en faveur d’un nouvel aéroport est contestée point par point et ceci de façon très sérieuse par des groupes de citoyens très informés, capables d'apporter de façon rigoureuse toutes les contradictions possibles à des études officielles il est vrai fragiles et douteuses, par conséquent guère légitimes. On ne peut plus se passer comme avant de l'expertise citoyenne. Il faut au contraire affirmer l’implication citoyenne dans les décisions via des formes de démocraties innovantes telles que le théâtre législatif du brésilien Auguste Boal. La démocratie implicative est une nécessité. Nous éviterions ainsi que les expertises l'emportent in fine par l’affirmation de la force, qu’elle soit policière ou insurrectionnelle. La démocratie implicative, parce qu’elle permet le débat politique sans nier la nécessité de construire ensemble des projets partagés, est ce nouvel horizon que nous devons embrasser.
!!!!!! C'est aussi parce que Notre-Dame-des-Landes n'a pas permis
dans le temps l'exercice moderne de la démocratie
qu'il faut renoncer à ce projet. !!!!!!
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Par Corinne LEPAGE
Corinne LEPAGE vient de publier sur le blog de Rue 89 une analyse tout à fait intéressante du contrat de concession liant l’Etat à Vinci sur le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes.
Cette analyse juridique, qui s’appuie sur des éléments factuels (DUP, Document d’enquête publique, contrat de concession…), démontre que l’enjeu est tout aussi financier, la puissance publique s’étant liée les mains sans précaution aucune avec le géant privé. Dans l’hypothèse où les travaux ne serait pas engagé du tout, « Le coût pour l’Etat serait la totalité de la rémunération prévue jusqu’à la fin de la concession avec actualisation », nous dit Corinne LEPAGE, un coût estimé par ailleurs par Médiapart à 11 millions d’euros par an. Sur 55 ans, on imagine la facture. Il n’en demeure pas moins que « le bien-fondé et la légalité de cette clause du dédit est contestable devant un juge ».
Voilà une étonnante façon de négocier un contrat de la part d’élus du « petit grand ouest » qui ne cessent par ailleurs de clamer leur souci de l’intérêt général.
On ne peut que vous inviter à lire dans le détail l’analyse de Corinne LEPAGE que nous remercions d’avoir bien voulu accepter la publication sur le site de l’Agora de Bretagne.
la tribune de Corinne LEPAGE
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